Taille, broyat et plan de travail

05/11/2023

Du 30 octobre au 5 novembre, la Tourelle a accueilli une joyeuse bande d'une douzaine de copaines et membres plus ou moins directs de la famille pour un nouveau chantier automnale placé sous le signe de la taille. La météo fut plutôt à la pluie, mais nous avons réussi à slalomer entre les gouttes et celles nous ayant atteintes n'ont pas eu d'autres choix que celui de s'écouler pacifiquement le long des combinaisons jaunes citron prêtées pour l'occasion.

Après la traditionnelle matinée d'interconnaissance et de présentation du lieu et du programme, nous avons pu nous atteler pleinement aux missions prévues en attendant confortablement la livraison des premiers repas par notre voisine Camille de l'association Terrhabitat. Pour cette fois-ci, pas de stress sur la cuisine les premiers jours ! Nous nous sommes régalés de plats végétariens et cuisinés à partir de produits locaux et récupérés pour éviter tout gaspillage. Merci Terrhabitat !

Que ce soit dans le hangar ou en extérieur, le domaine a fourmillé d'activité. Dans l'annexe tout d'abord, où ont résonné ponceuses, perceuses et scies sauteuses et circulaires dans le but de confectionner un véritable plan de travail pour la cuisine du bas. Avec un ébéniste dans l'équipe, autant dire que ce chantier était plié d'avance ! Même si matériel et matériaux n'étaient pas totalement à la hauteur de notre maître meubles [qui ne s'est pas privé de remettre les imperfections sur le compte de la scierie, du manque de moyens, des bénévoles, etc. ;)] Un chantier mené à partir des plans de Didier et jusqu'au double passage à l'huile de lin pour une protection écologique et efficace.

En parlant d'huile de lin, notre escalier du mois d'août 2022 y est passé lui aussi et ce par deux fois, après nettoyage et ponçage. Il reste à vérifier si cela sera suffisant pour protéger le bois des cailloux coincés sous les chaussures et autres graviers qui pourraient rentrer dans le bois tendre des madriers en pin douglas. De l'huile dure (une huile de lin chauffée à haute température) permettra de déposer un film protecteur et de durcir le bois suffisamment pour le protéger des accrocs.

Nous avons également profité de l'abondance de bras pour ranger les 8 stères de bois de chauffage livrées plus tôt dans la saison. À ce jeu, il est indéniable que c'est l'équipe Laëtitia, Ele et Charly qui a remporté la partie, même si nous ne sommes bien évidemment pas du genre à vouloir faire la course pour ranger des bouts de bois… Ah ça non, à bas la productivité et la compétition ! (n'empêche que, on en a rangé plus...)

En extérieur à présent…

    Si quelques années auparavant, on avait dit à Charly que son slogan de chantier serait un jour : « On coupe ! de toute façon, ça repoussera. » elle ne nous aurait jamais cru. Et pourtant, c'est bien ce qu'elle a répondu par défaut à tout questionnement concernant l'intensité de taille à infliger aux végétaux du Vernay. Mais que s'est-il passé ?! 

Il se trouve qu'entretemps, elle a suivi une formation sur l'agroécologie et l'agroforesterie, a appris à entretenir le bocage et les haies et a découvert la résilience des arbres et l'étroite collaboration humain-végétal ayant donné lieu aux trognes, aux haies et au bocage, si riches en biodiversité et utiles aux êtres humains. En effet, si nous souhaitons rétablir et entretenir la fertilité de nos sols agricoles, il est urgent de s'intéresser à la valeur de la biomasse fournie par les arbres et arbustes. Le BRF (bois raméal fragmenté), ou plus largement le broyat de branches, est une ressource à la portée de tous.tes et incroyablement efficace pour nourrir le sol en profondeur et augmenter le pourcentage de matière organique des sols, indice de sa fertilité. Le broyat, surtout de jeunes branches et de feuilles présente un très bon rapport carbone/azote et nourrit une grande diversité de micro-organismes du sol (tour à tour champignons, bactéries, décomposeurs, vers de terre, etc.) avant de nourrir la plante à son tour. Il suffit d'observer un sol forestier pour réaliser la richesse de ces éléments qui constituent l'humus de nos forêts, si souvent pris en exemple pour illustrer une fertilité optimale. Quand le bois se décompose lentement, le carbone stocké par les végétaux ligneux au cours de leur croissance est stocké durablement dans le sol. C'est bien mieux que de le voir repartir dans l'atmosphère au cours d'un gros feu de joie, non ? C'est là que la taille se justifie une seconde fois, car elle permet d'accéder à une ressource énergétique : le bois.

Tailler

Jadis, la taille en trogne/tétard tous les 6 à 7 ans permettait de stimuler la pousse de rejets qui serviraient à former des fagots de branches sans abattre l'arbre. Et oui, Charly est aussi tombée sur un livre de Dominique Mansion sur les trognes et depuis elle ne jure que par ça… Tailler un arbre peut paraître cruel, mais quittons notre regard anthropocentré pour observer la fertilité produite par une trogne et la biodiversité qu'elle accueille : les arbres trognés vivent plus longtemps que les autres et constituent un refuge pour une grande diversité d'insectes et d'animaux. Pour une fois que l'intervention de l'humain favorise la biodiversité plutôt qu'elle ne l'affaiblit, on n'allait pas s'en priver ! C'est ainsi que la première trogne de la Tourelle du Vernay a vu le jour au cours de ce chantier. Une trogne d'un chêne qui n'aurait pas pu déployer toute sa majesté là où il s'était planté… Donc entre trogner ou couper, le choix fut d'expérimenter.

Pailler

Autant de végétaux divers qui rendent le paillage obtenu toujours plus riche en minéraux et éléments plus subtils. Les genêts sont connus pour leur capacité à fixer l'azote par exemple et les ronces sont riches en minéraux de toute sorte. Les vieilles branches moussues sont riches en champignons tandis que les jeunes rameaux regorgent eux aussi de minéraux. Avec le paillis obtenu, nous avons couvert certaines planches du potager et la zone des futures terrasses afin d'enrichir le sol et de le laisser se reposer pendant un an et demi, le temps de la décomposition d'une couche d'une dizaine de centimètres d'épaisseur. Les planches restantes ont été nettoyées, grelinées, ratissées et semées d'engrais vert (vesce, moutarde et seigle) qui couvrira le sol cet hiver et sera fauché au printemps.

Pourquoi faucher et pas arracher d'ailleurs ? Parce qu'en fauchant, on laisse les racines se décomposer dans le sol et poursuivre leur travail d'aération du sol de par leur simple présence. À l'arrachage, on emporte les racines et souvent la terre qui va avec. C'est d'ailleurs ce que l'on a fait avec quelques jeunes framboisiers qui seront replantés dans le verger au printemps. Ils passeront l'hiver en pot, au côté de boutures de plants de cassis.

Broyer

Tailler oui, mais pour broyer. L'objectif était donc de tailler un maximum de ligneux avant l'arrivée du broyeur le vendredi. Mission réussie ! Le broyeur a pu pleinement remplir sa fonction une journée durant et transformer la dizaine d'amas feuillus en tas compacts de copeaux. Les plus grosses branches ont été débitées en bûches pour nous chauffer au prochain chantier. Car oui, tailler et gérer ses arbres sont aussi des moyens de réfléchir à son indépendance énergétique. Quand on suit une bûche de l'abattage à l'allumage du poêle, il nous semble que le rapport à la chaleur est différent.

Amélioration possible pour la prochaine session : trouver un broyeur à emprunter à un.e voisin.e ou à louer à une municipalité ou une association comme cela se fait à certains endroits. Celui-ci pouvait broyer des branches de 16cm de diamètre et ce n'était pas de trop pour avaler entrelacs de ronces, genêts touffus et bambous filandreux.

Regardez notre énorme pêcher à la branche cassée : on le croirait mal en point… en réalité, sa branche qui touche le sol a formé de nouvelles racines au contact du sol. Il a donc deux zones racinaires indépendantes l’une de l’autre ! On pourrait couper la branche entre les deux et l’on obtiendrait deux pêchers indépendants. Encore de la magie !
Regardez notre énorme pêcher à la branche cassée : on le croirait mal en point… en réalité, sa branche qui touche le sol a formé de nouvelles racines au contact du sol. Il a donc deux zones racinaires indépendantes l’une de l’autre ! On pourrait couper la branche entre les deux et l’on obtiendrait deux pêchers indépendants. Encore de la magie !

Nettoyer

Faire ce grand ménage végétal nous a aussi permis d'aérer certains buissons dont le tronc était mis à mal par l'excès d'humidité conservée sous le feuillage. Permettre au soleil et à l'air de passer les plus hautes branches et d'atteindre le centre de la ramure limite les risques de maladie et améliore la fructification des fruits. La taille des arbres fruitiers est d'ailleurs basée sur ces principes-là : ouvrir la ramure pour aérer et couper les branches qui risqueraient de faire de l'ombre à d'autres. On conserve donc en général les branches extérieures et l'on supprime les branches qui se dirigent vers le centre de l'arbre. Mais la taille des arbres fruitiers est une science en soi et Charly avait davantage envie de tester la non taille par l'arcure des branches : on tire une ficelle entre l'extrémité des branches et le tronc ou le sol pour arquer la branche. Une branche arquée arrivera plus vite à fructification, car la sève circule différemment. Et puis la taille, ça se vit sur place, ça ne s'explique pas !

Multiplier

Le bouturage consiste à couper une branche pourvue de bourgeons et à la replanter afin qu'elle prenne racine et crée un nouveau plant. Cela est possible grâce à la capacité de différenciation des bourgeons : un bourgeon peut devenir n'importe quoi en fonction des besoins de la plante et de son environnement. Prenez une bouture comprenant 4 bourgeons : on va planter la branche dans de la terre et enterrer deux bourgeons qui deviendront des racines ; les deux bourgeons restés à l'air libre deviendront, eux, des feuilles ou des branches. Magique, non ? Cela dit, cette polyvalence n'est pas observable sur toutes les plantes et on ne peut pas tout bouturer de cette façon. Mais il existe d'autres technique de multiplication à tester !

Et puis, à côté de ça, il y a eu la vie de groupe...

De nos improvisations vocales sur « Coucou hibou », à la choré de Cascada en passant par les sorties champignons et les soirées film… le programme hors chantier fut rempli et varié ! 

Ah oui, on a aussi eu les super diaporama de Laetitia, les jeux sexistes avec un tabouret sur la mezzanine, des petits bacs super zen et des cookies moisis... Vivement le prochain chantier !